RSE

Ethique et management : concilier l’inconciliable ?

Ethique et management sont-ils faits l’un pour l’autre? Au-delà des discours, le chemin semble encore long. Mais au Canada, l’efficacité économique de la Morale dans les affaires est de moins en moins discutée. Et en France, sous la pression des consommateurs et des nouvelles générations, les managers redécouvrent l’intérêt d’un vrai respect de certains principes.
#Bien-être salarié #Inspiration
13 janvier 2017

Ethique et management sont-ils faits l’un pour l’autre? Au-delà des discours, le chemin semble encore long. Mais au Canada, l’efficacité économique de la Morale dans les affaires est de moins en moins discutée. Et en France, sous la pression des consommateurs et des nouvelles générations, les managers redécouvrent l’intérêt d’un vrai respect de certains principes.

C’est peu dire que le sujet se prête aux débats : est-il possible de concilier l’éthique et le management ? En Amérique du Nord, et notamment au sein de l’Institut Québecois d’Ethique initié par René Villemure (également fondateur de la société de conseil Ethikos), la question est souvent abordée sous l’angle de la performance économique. A ceux qui lui demandent si les pratiques éthiques de l’entreprise sont « payantes », le consultant répond par le contre-exemple du coût de leur absence. Il évoque même une sorte de « taxe anéthique », qui correspond au coût caché d’un manque de principes dans le business. Citant le cas récent d’un constructeur automobile, il conclut par cette interrogation : quel chiffre d’affaires perd une entreprise dont les consommateurs ont pris conscience qu’elle leur avait menti, sciemment ?

De ce côté de l’Atlantique, la même question en amène surtout une autre, très bien résumée par Etienne Rouaud, l’un des fondateurs du cabinet de conseil RH Axone dans un texte disponible sur le site de l’entreprise : Après avoir constaté qu’ici aussi « le management éthique rencontre un certain engouement », ce qui ne peut que « réjouir tous ceux qui souhaitent à la fois la moralisation de l’économie et la reconnaissance de valeurs  au sein même de l’entreprise », il souligne que le concept est ambigu quand il se voit traité sous l’angle de l’efficacité économique. Et d’interroger : « l’éthique au service de la rentabilité, est-ce encore bien de l’éthique ? »

Le bien et le mal

De quoi parle-t-on au fait ? De la notion du bien et du mal, et des limites que notre morale personnelle, ou collective dans le cadre professionnel, rencontre au quotidien. Etienne Rouaud n’y va pas par quatre chemins : « il est impossible, lorsqu’on est cadre, de ne pas être confronté à ces limites. Et dans la mesure où la mission première est d’atteindre les objectifs, il est très difficile de ne pas les transgresser ». Il cite, comme exemple de la transgression de ces valeurs, le mensonge par omission sur des orientations stratégiques de l’entreprise.

Il existe heureusement des raisons d’espérer. D’abord, dans le cadre de leurs politiques RSE, les entreprises sont amenées à clarifier leurs positions sur des sujets aussi importants que la préservation de l’environnement, le respect des personnes (dont leurs collaborateurs, ou encore leur manière de commercer. « A cet égard, les lois sur la moralisation des affaires et de la vie politique vont dans le bon sens ». Notamment parce qu’elles mettent une pression équivalente sur l’ensemble des concurrents d’un même secteur, qui doivent alors adopter des règles similaires de gouvernance. Autre aspect de cette moralisation, la publication régulière de comparatifs mondiaux sur les pratiques commerciales des pays. Enfin, les affaires qui secouent régulièrement, notamment aux Etats-Unis, de grandes multinationales convaincues par la justice d’avoir transgressé des règlements internationaux ou locaux (contournements d’embargos, aide à la fraude fiscale) contribuent également à limiter certaines dérives. Même si on peut regretter que dans la plupart des cas, elles se résolvent par la signature d’un gros chèque pour éteindre les poursuites ?

La pression des consommateurs...

Le co-fondateur d’Axone voit aussi un progrès dans la pression dont sont aujourd’hui capables les consommateurs sur telle ou telle entreprise coupable de manquements à la protection de l’environnement, ou au respect de la dignité humaine dans des usines qui emploient des enfants. Le phénomène est évidemment plus marqué dans les activités B2C, et les réseaux sociaux facilitent l’émergence de pétitions et autres tentatives de boycotts. Le succès des démarches de commerce équitable en constitue un versant positif.

... et celui des générations montantes

« Les entreprises sont également confrontées à l’arrivée de nouvelles générations de collaborateurs et cela les incite à innover ». Il n’existe pas de statistiques démontrant que les Millenials auraient une éthique plus marquée que leurs ainées. Néanmoins, leurs pratiques des réseaux sociaux, et d’une certaine transparence dans les échanges avec les collègues, méritent d’être prises en compte. « On voit ainsi des réflexions sur l’organisation du travail : les lignes hiérarchiques rapetissent, les équipes s’autonomisent, tout cela pour répondre à la demande de ces entrants et futurs cadres ».

Alors, l’éthique a-t-elle toute sa place dans le management ? Pas encore et sans doute pas bientôt car, comme conclut Etienne Rouaud, « Penser en manager, c’est penser efficacité, c’est penser profit, c’est penser rentabilité. Tandis qu’agir moralement, c’est agir gratuitement, indépendamment de tout intérêt, par devoir et donc bien souvent contre son intérêt, ce qu’une entreprise ne saurait faire bien longtemps sans se mettre gravement et rapidement en péril ».

Il demeure tout de même de larges espaces disponibles, où le manager pourra concilier ses valeurs et cette efficacité : par exemple la bienveillance, le respect des collaborateurs et de leur bien-être au travail ont des effets positifs sur la créativité et la productivité. Même chose pour le respect du client et l’honnêteté dans son traitement, qui débouchent généralement sur sa fidélisation. Il ne reste plus qu’à s’atteler à cette éclatante démonstration qu’un « bien » fait n’est jamais perdu ...