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Sexisme au travail : une réalité qui a du mal à passer

Plus de 74 % des femmes affirment être régulièrement confrontées au sexisme dans le cadre professionnel, et seulement 18% estiment que leur entreprise le combat. Il s’agit pourtant d’une lutte qui incombe, légalement, à l’employeur. Qu’est-ce que le sexisme au travail ? Sous quelles formes apparaît-il ?
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12 juin 2017

Plus de 74 % des femmes affirment être régulièrement confrontées au sexisme dans le cadre professionnel, et seulement 18% estiment que leur entreprise le combat. Il s’agit pourtant d’une lutte qui incombe, légalement, à l’employeur. Qu’est-ce que le sexisme au travail ? Sous quelles formes apparaît-il ?

Les inégalités entre les sexes dans le monde du travail constituent un front de bataille toujours actif. Dans une enquête menée en 2013 par le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle (CSEP) auprès de 15 000 cadres des deux sexes, puis rééditée auprès de collaborateurs non-cadres en 2016, entre 74 % et 80% des salariés affirment être régulièrement confrontées à des attitudes et décisions sexistes dans le cadre professionnel. Et elles ne sont que 18% à estimer que leur entreprise met en œuvre une politique pour les combattre…

Qu’est-ce que le sexisme au travail ?

La lutte contre le sexisme en entreprise a fait son entrée dans le code du travail en août 2015 : « Nul ne doit subir d'agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ». Ce combat incombe désormais à l’employeur.

Si les manifestations du sexisme sont nombreuses, diverses, et parfois difficiles à identifier comme telles car ancrées dans un mode de pensée traditionnel, leurs conséquences sont souvent identiques : elles délégitiment les femmes dans le monde du travail, comme le rappelait en 2016 Brigitte Grésy, secrétaire générale du CSEP. Des progrès importants ont été accomplis depuis pour lutter contre ce fléau, mais les inégalités persistent. Certaines se chiffrent, relevant des écarts dont l’ampleur impressionne.

Inégaux à plus d’un titre

A diplôme et expérience équivalents, les différences de salaires, de postes et de responsabilité demeurent criantes – par exemple, les écarts de salaire entre femmes et hommes atteignent en moyenne de 19,2%. Si ces aspects qui illustrent la permanence du sexisme en entreprise sont (relativement) connus, car quantifiés, d’autres sont plus insidieux. Les femmes ne reçoivent pas la même considération que les hommes : par le simple fait de leur sexe, elles sont, parfois très inconsciemment, perçues comme moins compétentes.

Les illustrations et témoignages ne manquent pas, et parmi eux, l’expérience de deux collègues, homme et femme, qui ont décidé d’échanger leurs identités pendant une semaine est frappante. « J’ai vécu deux semaines d’enfer » témoigne-t-il. Si pour elle, tout devient d’un coup plus facile vis-à-vis des clients, lui découvre défiance, manque de respect, et impolitesse, avec une remise en question permanente de ses compétences. Une expérience révélatrice pour chacun des protagonistes…

Man-terrupting

Une représentation du sexisme dans le monde du travail : le « manterrupting ». Un terme anglo-saxon qui désigne la propension qu’ont les hommes à couper la parole aux femmes de manière systématique. Un phénomène que l’on rencontre dans les médias, en politique, mais aussi dans le monde du travail. « Couper irrespectueusement la parole à sa collègue en réunion, c’est nier ses compétences », rappelait la ministre du Travail Myriam El Khomri. Une application a été lancée afin d’aider à chiffrer le phénomène. Louise, directrice marketing dans une entreprise de produits grand public, le combat à sa manière : « Je ne lâche pas quand on m’interrompt ». Mais elle tempère : « Je suis très silencieuse malgré tout ».

Les clichés ont la peau dure

Eduquées dans des écoles mixtes, dans le même système de valeurs que les garçons, issues de concours accessibles à tous, et titulaires des mêmes diplômes que leurs camarades masculins, les femmes sont pourtant exposées à une situation inégalitaire dans le monde de l’entreprise. « J’ai eu une conversation avec des stagiaires qui se demandent déjà comment gérer leur carrière « à cause des grossesses » s’insurge Louise. « En entreprise c’est presque déjà trop tard pour changer les esprits, même des plus jeunes. Elles s’auto-formatent » se désole cette professionnelle du marketing qui a fait du combat contre le sexisme un engagement quotidien.

Les mères en première ligne

Concilier maternité et vie professionnelle n’est pas chose aisée, et les mères sont facilement stigmatisées – davantage que les pères, notamment car c’est encore majoritairement à elles qu’échoit la charge de l’organisation familiale. Louise se souvient de son N+1, à propos d'une collaboratrice de son équipe, déclarer « Elle est à risque non ? », précisant devant son incompréhension faussement naïve « oui, enfin tu as compris, elle va faire le 2ème bébé ». Absence lors du congé maternité, lorsqu’un enfant est malade, horaires moins souples à cause de la garde des enfants… Autant de poids qui pèsent sur les femmes, et que redoutent encore les managers.
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Combattre le sexisme ordinaire commence par la parole

Comment reconnaître si une remarque est sexiste ? Une lecture rapide du Tumblr « Paye ton taf » qui recense le harcèlement dans le monde du travail, ou encore de « Chroniques du sexisme ordinaire », permettra de se faire une idée de ce que vivent les femmes au quotidien dans tous types d’entreprises. Ces recueils ont le mérite de montrer l’étendue du problème, souvent minimisé et renvoyé à des cas isolés.

Blagues potaches, comportements déplacés, exclamations qui commencent par « Vous les femmes... », « Ne fais pas ta blonde... », « ma cocotte », « tu me fais un café, tu seras mignonne ». Mais aussi toute phrase dénonçant une non-conformité aux codes de la virilité : « pour réussir, ‘il faut en avoir’, il est trop gentil pour réussir ». Autant d’indices d’une condescendance toute sexiste, qui, à petite dose et même à répétition, sape le moral et l’engagement. Mais les hommes peuvent être également victimes…

ð  Une remarque qui peut être faite indistinctement à une femme ou à un homme est une remarque non sexiste. C’est le filtre à appliquer : « pourrais-je faire cette remarque à quelqu’un du sexe opposé sans qu’elle soit choquante ou dérangeante ? ».

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