Ressources Humaines

Le choix du coming out en entreprise

Favoriser le coming out en entreprise permet d’assumer une politique claire de non-discrimination, mais avoir une parole libérée et assumée n’est pas facile.
#Discrimination #Reconnaissance #QVT entreprise
19 février 2018

Favoriser le coming out en entreprise - c’est-à-dire l’affirmation de sa différence - permet d’assumer une politique claire de non-discrimination. C’est aussi le moyen de libérer les personnes LGBT du poids des conventions sociales. Mais créer les conditions d’une parole libérée et assumée n’est pas si facile.

Voici deux ans, l’AFMD (Association française des managers de la diversité) a marqué les esprits, lors de son assemblée générale, en proposant à l’assistance une série de sketches traitant de l’homophobie ordinaire dans l’entreprise. Une surprise pour de nombreux participants, car la question n’est que rarement mise en avant dans les entreprises. Pourtant, quelques chiffres suffisent à en souligner l’importance :

  • 6 à 10 % de la population française est d’orientation LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transexuels), comme le rappelle La Clairière Production, auteur en 2014 d’une série de films remarquables sur le coming out en entreprise ;
  • 29% des personnes LGBT déclarent avoir subi des insultes dans leur travail, 27% de la discrimination, 18% du harcèlement (chiffres fournis par Mobilisnoo, l’association des personnes LGBT du Groupe Orange et de leurs ami(es))&
  • Pour 42% d’entre elles, l’agresseur était un collègue et dans 39% des cas, un supérieur hiérarchique
  • 64% d’entre elles n’ont reçu aucun soutien de leur environnement de travail suite à cette agression
  • Pourtant, parmi les entreprises ayant mis en place des politiques de diversité, seules 27% ont développé des actions ciblées, ou traité spécifiquement de l’orientation sexuelle dans leurs politiques RH (*).

Il faut ici rappeler que, depuis 2001, les discriminations en raison de l’orientation ou de l’identité sexuelle font partie des 20 critères de discrimination relevés par le Défenseur des Droits. Avec quelques affaires retentissantes comme cette condamnation, en 2016, du Groupe PNP Paribas, pour n’avoir pu empêcher les moqueries et l’ostracisme d’un salarié homosexuel.

Lire aussi: Lutter contre les discriminations et le harcèlement

Au-delà de la question juridique, une affaire de QVT… et de productivité

L’aspect légal est une chose, mais les DRH ont tout intérêt à regarder bien au-delà. Il en va en effet de la qualité de vie au travail des salariés concernés et donc aussi de leur efficacité. Sans oublier qu’il existe des classements, certes officieux, mais très regardés, des entreprises les plus «gay-friendly ». L’attractivité de la marque employeur est donc impactée.

Favoriser le coming out ? Oui mais sans l’imposer

Bien conscient de ces différents enjeux, la grande majorité des DRH affichent une attitude ouverte et affirment leur soutien aux personnes LGBT de l’entreprise, allant jusqu’à souhaiter officiellement que ces dernières assument leur orientation, par exemple en l’officialisant (coming out).

Toute la difficulté est alors de trouver l’équilibre entre la création d’un climat favorable (on parle alors de climat inclusif) à cette démarche éminemment personnelle, et le respect d’une volonté de discrétion.

Exemple de cette contradiction apparente: le cas de ce commercial « obligé » de révéler son homosexualité à son manager, car pris entre l’injonction de se rendre, pour exercer sa mission, dans des pays où cette orientation est punie par la loi, et la nécessité d’expliquer pourquoi il refuse un ordre de son encadrement, sous peine de recevoir un avertissement ou pire.

Dans un registre moins dramatique, mais malgré tout difficile à vivre, des personnes expliquent dans la vidéo de La Clairière Production, leur épuisement à «faire semblant» de vivre une vie de couple « normale», à la machine à café avec les collègues notamment. Exemples de citations&:

  • «Si je me regarde dans le miroir et que j'ai honte de ce que je suis, je vais avoir du mal à faire passer les bons messages ».
  • «On s'invente une vie, une vie différente. Et l'énergie que l'on met à s'inventer une vie, on ne la met pas forcément au travail.»
  • «A la machine à café, le plus dramatique c'est d'inventer ce que l'on a fait le week-end pour être dans la normalité des collègues. »
  • « C'est dur quand vous êtes heureux dans votre vie perso de ne pas pouvoir le raconter aux collègues.»

Si souffrance il y a

Face à certaines souffrances, et à ses conséquences sur le travail de ces salariés, l’entreprise, et son DRH en première ligne, s’honore de prendre une série de mesures.

  • Impliquer la hiérarchie, depuis le comité directeur jusqu’au management intermédiaire dans un refus de la banalisation des attitudes discriminatoires quotidiennes,
  • Adhérer aux associations qui promeuvent la diversité (AFMD), et/ou qui se proposent de porter la parole des personnes LGBT en entreprise et dans le débat public (FACE, L’Autre Cercle par exemple)
  • Diffuser les outils de sensibilisation disponibles, parmi lesquels les vidéos «Coming In » de La Clairière Production, ou le kit proposé par l’AFMD
  • Encourager l’émergence de groupes de paroles et d’échanges au sein de l’entreprise sur ce thème. Plusieurs grandes entreprises, comme Orange, Alcatel-Lucent, Accenture ou encore GDF Suez (Engie désormais) ont montré la voie.

Des résultats souvent au-delà des espérances

Si la tâche peut paraître rude – lutter contre les ostracismes -, elle se révèle également très gratifiante. D’abord auprès des premiers concernés, qui expriment leur soulagement sans ambages dans le documentaire de La Clairière : «le coming out en entreprise, permet d’être en vérité avec les gens qu’on aime ou qu’on a envie d’aimer, ça crée des moments forts, des moments d’intimité et de partage ». Ou encore «Faire son coming out est libérateur et permet d'être authentique avec ses collègues .

La DRH aussi a à y gagner : d’une part, une image renforcée de direction qui se met aux côtés des salariés parmi les plus fragilisés. Mais aussi, comme nous l’expliquait sans ambages Marie Savinas, directrice du développement social et humain et de la déontologie chez RFF, parce que « finalement l’entreprise y a gagné aussi, en tous cas ses collaborateurs.Car la réintroduction de l’humain dans les relations professionnelles fait du bien à tout le monde ».

(*) A lire, une remarquable plaquette éditée en 2016 par le Défenseur des Droits qui propose notamment des définitions, des statistiques et des exemples concrets de situation de discrimination.