Gestion de l'entreprise

Entreprise et réseaux sociaux : une stratégie s'impose

Les réseaux sociaux ont près de quinze ans, les réseaux sociaux d’entreprises moins de dix. Qu’en ont fait les DRH, pour recruter, communiquer ou mobiliser les salariés ?
#Accompagnement du changement #Digitalisation #Organisation
09 novembre 2015

Les réseaux sociaux ont près de quinze ans, les réseaux sociaux d’entreprises moins de dix. Qu’en ont fait les DRH, pour recruter, communiquer ou mobiliser les salariés ? Et quelles transformations des pratiques engager pour, sinon maîtriser, du moins accompagner avec bonheur cette profonde mutation ? Manager Attitude vous propose de faire le point.

Les réseaux sociaux d’entreprise, vous vous souvenez ? C’était il y a plus de six ans, presque une éternité sur Internet. De grandes entreprises, comme IBM, Sogeti, ou Axa, entre autres, avaient décidé de surfer la vague 2.0 pour créer une dynamique de collaboration, entre salariés, avec le management et même avec leur écosystème. Mais une autre de leurs motivations reposait sur la crainte qu’en l’absence de solutions internes, leurs collaborateurs ne se rendent sur des sites plus ouverts, Facebook en tête, pour parler de leur travail et de leur entreprise. C’est ce que Fabien Boucher, chef de projet RSE de Sogeti, expliquait lors d’une conférence de l’Atelier BNP Paribas : « Notre objectif est de ré-internaliser le dialogue communautaire, qui s’est pour l’instant développé hors les murs de l’entreprise. Ce sera un indicateur de succès de la démarche ».

L'autarcie est un leurre

L’ambition était-elle réaliste ? On peut en tous cas la questionner, à lire les résultats de l’enquête de la Cegos sur « les usages et les impacts du digital et des réseaux sociaux dans l’entreprise ». En juin 2014, deux ans après sa première édition, ce baromètre mesure en effet que six salariés sur dix (12% de plus qu’en 2012), et près d’un manager sur deux, se connectent chaque jour au moins une fois sur des réseaux sociaux publics. Et comme 36% des sondés affirment ne pas avoir de moyens d’accès à ces réseaux sur leur lieu de travail, le taux de connexion donc se rapproche de 100% !

L’enquête révèle aussi que les usages sont essentiellement personnels dans les populations d’ouvriers et d’employés (93%) ainsi que chez les professions intermédiaires (63%). Les cadres et les dirigeants sont plus professionnels dans leurs usages, mais la sphère privée n’est jamais absente des débats - Facebook est tout de même le troisième réseau plébiscité par les managers (67% d’adhésion) derrière Linkedin (82%) et Viadeo (92%).

Les conséquences des réseaux sociaux sur les pratiques de la DRH

Néanmoins, les usages professionnels existent. A commencer, depuis le début du phénomène, par la dimension recrutement, constitutive de certains réseaux sociaux. Ainsi, 32% des managers déclarent se servir des réseaux sociaux pour recruter… et 30% des salariés les utiliser pour trouver un nouvel emploi.

Mais la DRH n’est pas concernée que par cette seule évolution. Elle l’est aussi – ou devrait l’être - dans bien des domaines :

Formation : l’offre de MOOC se développe. Les salariés sont de plus en plus enclins à suivre certains de ces cours en ligne dispensés gratuitement, en se passant de l’accord et du financement de l’entreprise. A la DRH de se repositionner sur le sujet, par exemple en proposant elle-même un catalogue de formations recommandées, ou en fournissant des salles de « cours » aux intéressés.

Organisation du travail : Les réseaux sociaux ne sont pas seuls responsables de la remise en question des structures hiérarchiques classiques, essentiellement pyramidales. Mais ils en constituent un catalyseur. La DRH, passée la tentation de vouloir s’y opposer, a tout intérêt à accompagner le mouvement, en mettant en valeur les pratiques collaboratives utiles à l’entreprise et motivantes pour le salarié. Cette valorisation peut passer par une communication sur les bons usages constatés dans et hors l’entreprise, mais aussi par une aide apportée aux responsables de services parfois désorientés par les comportements des plus jeunes de leurs collaborateurs.

Engagement et cohésion d’entreprise : Il ne sert à rien de se lamenter sur le manque d’engagement des jeunes générations. La question est plutôt de savoir où et comment elles s’engagent. Les réseaux sociaux jouent un rôle fédérateur important qui transcende les frontières naturelles de l’entreprise, mais ne l’ostracise pas non plus. A la DRH et aux responsables RSE d’utiliser ce vecteur pour (re) créer de l’adhésion, qui ne pourra plus reposer uniquement sur des messages top-down, mais sur un dialogue consenti avec le management, autour des objectifs et des valeurs de l’entreprise comme du salarié.

Communication : Elle constitue l’une des grandes craintes des managers et des dirigeants. Comment empêcher que des messages non appropriés circulent à l'intérieur et en dehors de l’entreprise, véhiculés par des salariés mécontents de leur managers, des orientations stratégiques ou de leur situation personnelle ? On pourra ici rappeler que le règlement interne de l’entreprise est en droit d'établir un cadre, une charte de bonne conduite sur les réseaux sociaux. Dans l’enquête Cegos, 42% des dirigeants affirment d’ailleurs en avoir édicté une (contre 23% en 2012). Mais un décalage important subsiste entre le sentiment managérial d’avoir fixé des limites, et ce que les salariés en ont retenu !

 

La DRH a donc tout intérêt à rafraîchir régulièrement la mémoire des collaborateurs sur ce point de règlement intérieur ou tout simplement du savoir-vivre ensemble. Elle se rassurera tout de même en constatant que l’autorégulation progresse, notamment chez les plus jeunes (18-35 ans) qui sont presque 50% à ressentir de la crainte quand ils communiquent au sujet de leur entreprise sur les réseaux sociaux. Tout en étant beaucoup plus nombreux à le faire que deux ans auparavant !

Pour conclure, il s'avère aujourd'hui indispensable de disposer d'une stratégie quant aux réseaux sociaux, un des principaux vecteurs aujourd’hui de l’expression dans et autour de l’entreprise. Les négliger serait inconséquent, espérer les contenir aussi. Accompagner le mouvement, en revanche, doit permettre à la DRH de renouveler sa légitimité, voire de revaloriser son rôle, aussi bien auprès des salariés que de managers déboussolés. Le tout, si possible, sans dogmatisme.