Ressources Humaines

Gérer les astreintes de fin d’année

La fin de l'année approche. Comment les entreprises et les administrations organisent-elles les astreintes ? Qui devra rester disponible et réagir au quart de tour le soir de Noël ?
#Organisation #Secteur public
11 décembre 2015

La fin de l'année approche. Comment les entreprises et les administrations organisent-elles les astreintes ? Qui devra rester disponible et réagir au quart de tour le soir de Noël ? Nous l'avons demandé à un capitaine des pompiers, à un journaliste de faits divers et à un cadre d'une agence de distribution d'eau potable.

Une astreinte est une période pendant laquelle un salarié, sans se trouver sur son lieu de travail, doit pouvoir intervenir si la situation le demande. La période d’astreinte peut donner lieu à récupération ou indemnisation. A ne pas confondre avec la permanence, qui implique une présence sur le lieu de travail, l’astreinte n’est pas incluse dans le temps de travail effectif d’un employé. Il s’agit d’une disponibilité du salarié pendant une période définie, qui lui permette d’intervenir rapidement si nécessaire. « Concrètement, pour moi, être d’astreinte signifie que je dois être dans un périmètre géographique proche de mon secteur, avec mon uniforme et mon véhicule de service à disposition immédiate » précise Thierry Dermineur, chef de centre d’incendie et de secours à la caserne de pompiers de Lille-Malus.

Une épée de Damoclès

L’employé doit rester chez lui, ou se tenir à proximité immédiate de son lieu de travail, dans des conditions qui lui permettent d’assurer une présence si nécessaire. Pour Benjamin, journaliste à la rubrique faits divers à La Voix du Nord, « être d’astreinte, c’est être chez soi, ou proche de chez soi, avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Il faut se tenir prêt à prendre les appels et à se déplacer à tout moment. Pour Noël et le jour de l’an, cela veut dire rester sobre, pour être réactif et professionnel. »

Dans le métier de la distribution d’eau potable, l’astreinte concerne tout le monde : agents d’exploitation, agents de maîtrise, et cadres. Les cadres, comme Marie, directrice d’une agence locale, sont sollicités en cas de crise :  « rupture de canalisation, pollution de l’eau, risque sanitaire, etc. » Dans les faits le cas est assez rare : « en 6 ans à ce poste j’ai dû intervenir 3 fois pour grosse crise. Il faut que quelqu’un soit disponible, 24h/24, pour répondre aux problèmes et pour communiquer avec les personnes concernées : consommateurs, élus, journalistes, etc. »

Organiser le planning des astreintes

Dans notre panel, l’organisation des plannings d’astreinte se fait par roulement, hebdomadaire ou annuel, et en bonne intelligence entre collègues. Par exemple, pour Marie : « Au niveau des cadres, sur une équipe de 6 personnes, chacun est d’astreinte une fois toutes les 6 semaines, pendant une semaine. C’est un roulement confortable et vivable, et des dispenses sont possibles en fonction des contraintes familiales. »

Chez les soldats du feu, « il doit y avoir, en permanence dans la caserne, un effectif minimum simultané de 15 pompiers. Les astreintes concernent dans des conditions différentes les officiers cadres et les pompiers volontaires,. Elles sont organisées entre personnes de même niveau, semaine après semaine, dans un système de rotation » explique Thierry Dermineur. « Dans mon groupe d’astreinte, nous sommes 8 cadres pour un secteur géographique donné. La répartition se fait équitablement, par une personne chargée d’établir les listes – une personne qui a cette légitimité de par son grade et son ancienneté, pour garantir l’équité entre tous. »

Et, de fait, la répartition des astreintes ne semble pas source de plaintes. Comme le dit Marie : « Les plannings sont organisés de façons à ce que chacun ait le même nombre de jours fériés dans l’année. Ensuite, chacun s’organise avec ses collègues. Cela n’a, de fait, jamais été source de conflit, il n’a jamais fallu arbitrer car c’est fait en bonne intelligence. »

Et pour les fêtes de fin d’année ?

Chez les cadres-pompiers du Nord, « chacun a la possibilité, assez longtemps à l’avance, de préciser ses indisponibilités afin qu’elles soient autant que possible prises en compte lors de l’établissement des plannings. La règle tacite, concernant la période de fin d’année, c’est que l’on peut se déclarer indisponible pour Noël ou pour le jour de l’an, mais pas pour les deux » témoigne Thierry. « Dans mon groupe d’astreinte, certains ont des enfants en bas âge, d’autres des enfants qui ont quitté la maison, d’autres encore n’ont pas d’enfants. Souvent ce sont les célibataires sans enfant qui sont d’astreinte à Noël et inversement pour le jour de l’an » et de préciser : « J’ai été de garde à Noël tous les ans pendant 12 ans, sauf depuis deux ans où je suis d’astreinte, donc pas physiquement à la caserne. Maintenant que j’ai des enfants, je n’hésite pas à me déclarer indisponible à cette date. C’est communément admis : chacun son tour, selon sa phase de vie. »

A la rubrique faits divers de La Voix du Nord, la rubrique est tenue par un binôme, qui se répartit les astreintes tout au long de l’année. Comme l’explique Benjamin : « Pour la période de fin d’année, l’un prend ses vacances la semaine de Noël, l’autre la semaine du Nouvel an. J’ai un enfant et Arnaud, mon collègue, n’en a pas. Je préfère être libre à Noël, mais lui aussi a une famille. Donc nous faisons au mieux pour ne pas créer de déséquilibre au sein de l’équipe : c’est chacun son tour d’une année sur l’autre. L’astreinte s’organise en bonne intelligence. »

Les contraintes de l’astreinte

Les contraintes sont relativement les mêmes : être disponible à chaque instant, prêt à se déplacer. En fonction de la durée de l’astreinte (une nuit, ou une semaine), la contrainte varie. Certaines interventions en astreinte nécessitent un déplacement, d’autres « seulement » un appel téléphonique pour « par exemple, organiser le travail et assurer le service en astreinte des niveaux hiérarchiques inférieurs ».

Mais tous, pompiers volontaires, agents d’exploitation, cadres, ou encore cadres supérieurs, à tous les niveaux hiérarchiques, peuvent être concernés. Comme le précise Marie : « Dans un grand groupe comme le nôtre, en cas de crise, la procédure d’astreinte implique des cadres jusqu’aux plus hauts niveaux hiérarchiques du groupe. Elle s’inscrit dans un plan de gestion de crise global au niveau du groupe. »

Pour Benjamin, « C’est contraignant de savoir qu’on peut avoir à partir à n’importe quel moment. On ne peut pas faire ce que l’on veut. Par exemple, si nous décidons de sortir, avec ma femme et mon fils, nous prenons 2 voitures, pour que je puisse partir et qu’elle ne soit pas bloquée par mon départ. »

Contraignante l’astreinte ? Certes, mais comme le disent les principaux concernés, à l’image de Marie, « c’est pour nous un engagement contractuel indiscutable ». « L’astreinte fait partie de la mission » abonde Thierry. « Cela fait partie du travail, c’est maintenant vraiment intégré dans notre mode de fonctionnement familial, témoigne Benjamin. Au bout d’un moment, cela devient une habitude logistique, un système bien rodé. Le seul point désagréable, c’est qu’on ne peut pas se lâcher autant », conclut-il en bon nordiste.

 


Astreintes : rémunération et organisation

La gestion des astreintes (rémunération et organisation) est définie dans la convention collective ou les accords collectifs de l’entreprise. Si l’astreinte est payée comme une heure de travail, son tarif horaire est inférieur ou égal au tarif d’une heure de travail classique. Une heure, une journée ou une nuit d’astreinte peut également faire l’objet d’une compensation sous forme de jours de repos supplémentaires. Il arrive, mais c’est rare, que l’astreinte fasse l’objet à la fois d’une compensation financière et de jours de repos supplémentaires. Le temps d’attente n’est pas décompté ni rémunéré comme du travail effectif. Toutefois, le fait que le salarié soit en situation d’astreinte implique qu’il bénéficie d’une contrepartie financière.

Vous devez établir et fournir une fiche d’intervention que le salarié renseignera à chaque intervention. Cette fiche vous permettra ainsi de contrôler les interventions effectuées par votre salarié et le cas échéant de les rémunérer comme il se doit.

Cette fiche d’intervention devra notamment indiquer les éléments suivants :

  • la date et l’heure de l’appel,
  • l’heure de départ de son domicile ou du lieu de réception de l’appel,
  • l’heure d’arrivée,
  • la nature et la durée de l’intervention,
  • le kilométrage entre le domicile ou le lieu de réception de l’appel et le lieu d’intervention.

L’astreinte telle que définie par le droit français est en décalage avec le droit européen. Le droit européen connait deux temps : le temps de travail effectif et le temps de repos, tandis que le droit français connait trois temps : le temps de repos où le salarié vaque en toute liberté à ses occupations personnelles, le temps de travail où il se trouve à la disposition exclusive de l’employeur et le temps d’astreinte où, tout en vaquant à ses obligations personnelles, le personnel est tenu de répondre à une demande d’intervention pour le compte de son employeur.