Avantages salariés

Les clés de succès d’une entreprise familiale

Selon les derniers chiffres de l'INSEE, 70 % des ETI et PME françaises sont des entreprises familiales. Quels sont les secrets d'une bonne administration de ces sociétés ? Les réponses de Rania Labaki, directeur académique du Family Business Global Executive MBA de l'EDHEC.
#Motivation salaries #Organisation
18 mars 2016

Selon les derniers chiffres de l'INSEE, 70 % des ETI et PME françaises sont des entreprises familiales. Quels sont les secrets d'une bonne administration de ces sociétés ? Les réponses de Rania Labaki, directeur académique du Family Business Global Executive MBA de l'EDHEC.

Quels sont les atouts et les faiblesses de l’entreprise familiale ?

Le système familial est une arme à double tranchant. Lorsque la cohésion règne dans la famille, le capital humain, financier et social est géré dans l’intérêt de l’entreprise et de la famille. Cependant, les liens familiaux risquent de s’atténuer avec le temps. Dans ma thèse de doctorat, j’ai montré que cela est souvent le cas des entreprises familiales gérées et/ou contrôlées par des cousins dès la 3e génération, notamment lorsque ces derniers ne disposent pas d'un système de gouvernance familiale efficace. Cette fragilisation de la cohésion familiale peut conduire à l’exacerbation des conflits d’intérêts entre les membres de la famille, affectant par là-même la prise de décision et la performance.

Comment séparer affaires familiales et gestion de l’entreprise, sentiments et affaires ?

Je répondrais à cette question par une autre : pourquoi vouloir séparer les affaires familiales et la gestion de l’entreprise en prenant pour prétexte les sentiments ?

Les sentiments existent dans toute entreprise, qu’elle soit familiale ou pas.

Les sentiments existent dans toute entreprise, qu’elle soit ou non familiale. Le véritable défi consiste à gérer les flux émotionnels entre l’entreprise et la famille. L’une de mes récentes recherches montre que les entreprises familiales ne constituent pas un groupe homogène. On peut identifier trois archétypes d’entreprises en termes de caractéristiques émotionnelles : les entreprises familiales désengagées, enchevêtrées, et équilibrées.

Quelles sont les caractéristiques de ces trois modèles d’entreprises familiales ?

Les entreprises familiales désengagées ont établi une frontière rigide entre la famille et l’entreprise, empêchant ainsi les interactions émotionnelles. C’est souvent le cas des entreprises contrôlées par une génération de cousins éloignés dont les liens personnels sont faibles, et dont le seul attachement à l’entreprise est de nature financière.

Les entreprises enchevêtrées, quant à elles, présentent une frontière perméable qui fait que toutes les émotions émanant de la famille s’expriment dans l’entreprise, et inversement. C’est par exemple le cas des familles extrêmement cohésives et dont les intérêts sont parfaitement confondus avec ceux de l’entreprise.

Les entreprises familiales équilibrées enfin, permettent un juste équilibre en termes d’interaction émotionnelle entre la famille et l’entreprise. C’est par exemple le cas des entreprises qui ont mis en place une gouvernance familiale effective facilitant la régulation émotionnelle. Comme les dimensions émotionnelles peuvent influencer positivement les décisions, les entreprises équilibrées les mettent au profit de l’entreprise et de la famille.

C’est vers ce dernier archétype équilibré que toute entreprise familiale devrait tendre pour réussir durablement.

Quelles sont les difficultés rencontrées par “les enfants du patron” et les “conjoints” dans le management des équipes ?

Qu’il s’agisse de ceux que vous appelez « les enfants du patron », que je préfère désigner par les membres de la nouvelle génération, ou encore « des conjoints », eux-mêmes souvent désignés comme étant « les pièces rapportées », les difficultés se résument en un mot : la légitimité.

Construire sa légitimité, un processus complexe

Construire sa légitimité auprès des parties prenantes de l’entreprise familiale est un processus qui nécessite de la détermination, de la patience, et d’être à l’écoute des attentes des uns et des autres.

Et pour les managers qui ne font pas partie de la famille ?

Les managers non familiaux peuvent être confrontés au problème de népotisme familial. Dans certains cas, le futur successeur désigné est un membre de la famille, même s’il ne dispose pas des compétences nécessaires. Ainsi, les managers familiaux se retrouvent parfois avec des perspectives limitées en termes d’évolution de carrière. Cependant, l’entreprise familiale leur offre d’autres possibilités en termes d’impact global sur la communauté, et en termes de flexibilité voire de rapidité dans la prise de décision, qui compensent en quelque sorte les inconvénients cités.

Qu’est-ce qui, selon vous, fait l’efficacité d’une entreprise familiale ?

La clé du succès à travers les générations réside dans la famille elle-même. Il est nécessaire de construire en famille une vision commune quant au futur de l’entreprise, basée sur les valeurs dans lesquelles tous les membres de la famille, actifs ou non, croient et s’engagent. C’est parfois un parcours du combattant, mais les attentes sont souvent au rendez-vous.
Dans le Family Business GEMBA à l’EDHEC Business School, nous tenons à inculquer à nos étudiants, futurs leaders d’entreprises familiales, l’importance du système de la famille, et à développer leurs aptitudes à l’analyser et le soutenir pour le bien-être de l’entreprise, de la famille, et plus globalement de la communauté.

Rania Labaki est titulaire d'un master d'administration des affaires de l'Université Saint-Esprit de Kaslik (Liban), et d'un doctorat en science de gestion de l'Université de Bordeaux. Elle est professeur associé à l'Edhec Business School et directeur académique du Family Business Global Executive MBA de l'EDHEC.