Ressources Humaines

Le zapping, pire ennemi du manager

E-mails, messageries instantanées, téléphone, médias sociaux, sollicitations d’un collaborateur… ou d’un voisin d’open space, il n’a jamais été aussi compliqué de se concentrer sur une chose à la fois.
#Temps de travail #Organisation
21 juillet 2016

E-mails, messageries instantanées, téléphone, médias sociaux, sollicitations d’un collaborateur… ou d’un voisin d’open space, il n’a jamais été aussi compliqué de se concentrer sur une chose à la fois. Mais le manager n’est pas un ordinateur multitâches. Et le zapping s’avère un piège néfaste à la productivité réelle.

Aujourd’hui, les managers peuvent être contactés à tout instant, et chacun attend une réponse immédiate. « L’immense réseau qui nous mobilise génère (…) une attention multifocale, mais aussi une tension nerveuse, elle-même source de déficit attentionnel » rappelle Natalie Depraz dans son livre Attention et vigilance (PUF, 2014). Ces interruptions sont inhérentes au travail en équipe, mais quand on saute constamment d’une tâche à l’autre, on n’est pas plus productif. Bien au contraire.

12 minutes

Dans les années 50 déjà, les recherches de l’économiste suédois Sune Carlson avaient conclu que le pire ennemi du travail des managers était l’interruption – le maximum de travail continu était alors de 20 minutes. En France, l'étude Sciforma, réalisée en juillet 2010 auprès de 4150 salariés a révélé que le temps de concentration continue des Français au travail était encore plus restreint. Il ne serait pas possible de s'appliquer à une tâche plus de 12 minutes sans être interrompu par la messagerie interne, les messages instantanés, les SMS et toutes sortes d'alertes. Comment rester concentré, mener un travail intellectuel sur la durée, et résister aux distractions ?

Les comportements multitâches

L’Association Américaine de Psychologie a défini trois types de comportements multitâches :

  • effectuer deux choses en même temps – le pire étant de téléphoner ou d’envoyer un sms en conduisant…
  • entamer une nouvelle tâche sans avoir terminé la première : sans doute la situation la plus difficile à éviter, si l’on a mal évalué le temps à consacrer à la première,
  • sauter « du coq à l’âne » : s’il ne s’agit pas de multi-tâches à proprement parler, le résultat est le même : notre cerveau n’a tout simplement pas le temps de s’adapter.

Le mythe du manager multitâches

Il est si tentant de se considérer comme un surhomme ! Mais l’AAP estime que seule 2% de la population est capable de réaliser efficacement plusieurs tâches en même temps. Et il n’est pas sûr, loin de là, que les adeptes du multitâches soient du nombre.

Le phénomène a encore été constaté cette année par la Haute Autorité de la Santé, selon laquelle une infirmière est interrompue en moyenne 6,7 fois par heure, ce qui augmente le risque d’erreurs médicamenteuses. Encore ne s’agit-il que d’une moyenne, et quiconque a fréquenté l’hôpital de jour, par exemple, pourra en témoigner… « Il est difficile de reprendre une tâche interrompue » souligne la HAS.

Pourquoi le multitâches réduit notre productivité

Zapper sans cesse d’une tâche à l’autre force notre cerveau à changer de vitesse de façon répétée. Nous travaillons plus pour moins de résultat. « Les blocages psychiques même brefs causés par les passages d’une tâche à une autre peuvent entraîner une réduction allant jusqu’à 40% du temps de travail effectif d’une personne dans une journée. » rappelait ainsi Andrew Filev – CEO et Fondateur de Wrike.

Le télétravail, une solution aléatoire

« Au moins, quand je travaille de chez moi, je ne suis pas dérangé sans arrêt ». Combien de fois n’avez-vous pas entendu cette phrase, si vous ne l’avez pas prononcée vous-mêmes ? Mais elle n’est vraie qu’à condition de s’astreindre à une certaine discipline. Car l’irruption soudaine d’un enfant, le passage du facteur, l’arrivée d’un livreur, risquent fort de s’ajouter aux sollicitations par e-mail ou aux sirènes des réseaux sociaux.

Des principes à suivre

Andrew Filev donne des conseils utiles pour rééquilibrer son temps entre monotâche et multitâches :

  1. Commencez par vous poser la question de savoir pourquoi vous adaptez un tel comportement. Recherche d’une productivité supérieure pour répondre à la pression, ou par ambition personnelle ? Besoin d’une stimulation sans cesse renouvelée et troubles de l’attention ? Distraction naturelle ? Ou prétention à faire partie des fameux 2% réellement capables de s’infliger un tel régime ?
  2. Déterminez parmi vos tâches régulières celles qui sont les plus complexes, et allouez-leur un créneau horaire et un espace libre de toutes distractions. Car plus les tâches sont complexes ou peu familières, plus l’on perd du temps à les quitter pour aller vers une autre – les gérer à part constitue donc une source importante de gain de productivité.
  3. Créez un espace-temps dans lequel vous vous autorisez le multitâche. Vous lui réserverez ces tâches répétitives ou familières qui génèrent moins d’effort psychique à passer de l’une à l’autre.

A méditer…

La méditation de pleine conscience, inspirée des techniques bouddhistes, recommande de s’accorder des instants d’attention à soi : respiration, pensées, émotions… On veillera à s’offrir des moments réguliers de pause et de silence, comme nous l’indiquait dans ces colonnes le thérapeute Monsieur Ho (Lire ici : Méditation, respiration, pardon et gratitude).